Ville de Saint Nazaire les Eymes
La Beyroud - Fiche détaillée
 

Sur la colline, cette “vieille maison” borde le chemin de la Veyrie et le vallon dénommé “Les Combes” sur d’anciens documents.

Une maison et une grange sont déjà mentionnées au lieu-dit « en Combes » dans un document datant de 1361 et conservé aux Archives Départementales de l’Isère.

Dans le parcellaire de la communauté de Clèmes de 1699, Jean-Baptiste RIGO, avocat à la cour du Dauphiné, est propriétaire du n° 39 “ … au mas des Combes, d’une maison, grange, verger, jardin et terre en partie garnie de petits hautins[1] ”, pour une superficie de 32 sétérées, soit environ 12 ha.

Il est propriétaire du château des Eymes et d’une grande partie des terres et vignes du village. Il se fait appeler “Seigneur des Combes”.

Le parcellaire de 1791 cite Messieurs Amat possédant “ … une maison, grange, terres et bois châtaignière … ”.

En 1811, l’état de classement des propriétés bâties[2] indique Monsieur François Amat Rolland propriétaire à Combes de “ … bâtiments, jardin, pâture et basse-cour …”. Ces bâtiments, dénommés “Ferme Roland” sur le plan cadastral de 1811, correspondent au n°273 chemin de la Veyrie et à “La Beyroud” au n° 339, avec un puits de l’autre côté du chemin.

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait du plan cadastral napoléonien de 1811

 

Jusqu’en 1839, “La Beyroud” appartiendra aux châtelains successifs du château des Eymes.

Le 12 janvier 1839, Monsieur François Amat ROLLAND, conseiller honoraire à la cour de Grenoble, vend à Monsieur Jean FAURE propriétaire cultivateur à St Nazaire, “… les bâtiments dépendances de la ferme de M. Rolland dites de Combes … ” qu’occupe Antoine Saint Pierre.

 

 

Alexandre Faure (1847 – 1931) fils de Jean Faure et Marie Faure née Argoud (1856- 1937) devant leur maison (actuellement « la Beyroud ») vers 1925.

 

 

 

 

Cette propriété est cédée en 1976 par les descendants de la famille Faure (Paul et André Bellut) puis revendue en 1982.

L'observation du bâtiment permet de distinguer deux parties de facture et d’époque différentes : la partie Sud, la plus ancienne, avec des murs épais de 1m parfois et au Nord, une ancienne grange  postérieure à 1811. Les murs des deux corps de bâtiment ne sont pas “mariés”, ils sont simplement juxtaposés.et le bâtiment n’a pas de fondations.

On retrouve ici les caractéristiques architecturales des anciennes maisons de Saint-Nazaire construites avec des matériaux locaux, des murs de pierres jointoyées, des chaînages d’angle et des encadrements de baies en pierre de taille.

Côté Est, face à Belledonne, les encadrements de la porte et des trois fenêtres taillés dans la même pierre, ont probablement été créés pour cette maison. Ils sont datés de la fin du XVsiècle, début XVIe siècle. 

Le vantail de la porte en bois clouté est sans doute d’origine. Les fenêtres sont protégées de grilles en fer forgé.

A l’étage, les appuis de fenêtres en pierre, probablement de réemploi, rappellent étrangement ceux du pavillon du château des Eymes.
L’encadrement de la porte d’entrée Nord provient d’une ferme de Saint-Martin-d’Hères qui a été détruite.
De l’autre côté du chemin, il y a toujours de l’eau au fond du vieux puits profond d’une trentaine de mètres avec sa margelle en pierre de taille.

Ce puits est remis en état en 1750 avec “… fourniture d’un nouveau tour et sa garniture de fer, sa poulie en bois, la cheville de fer, les seaux ferrés, une chaîne de trois à quatre pieds et une corde de vingt cinq livres, le tout neuf servant à l’usage du puits pour ledit fermier à Combes, … ”.

Près du puits, trois vénérables mûriers, vestiges des élevages de vers à soie, ont été plantés en 1810-1811 comme l’atteste un registre des archives communales. En 1809, François Amat ROLLAND déclare, devant le Maire M. Bourgeat, son intention de planter sur un terrain en friche d'environ 600 ares, des vignes ou mûriers, pour bénéficier des avantages de l'article 114 de la Loi du 3 frimaire an VII (20 novembre 1798). Cet article stipule que la cotisation (foncière) ne pourra pas être augmentée pendant 20 ans si des vignes ou mûriers sont plantés sur des terrains non cultivés.

Il obtient l'autorisation le 20 décembre 1809 et s'engage à procéder aux plantations en 1810 ou 1811.

 

  1. In Minutes de Me Blanc, notaire à Montbonnot, Acte de vente de François Amat-Rolland à Jean Faure, 12 janvier 1839, Archives Départementales de l’Isère, côte : 3E33388

[4] In Solde de comptes de grangeage entre Noble François Amat et son fermier Claude Richard, 17 nov 1753 Me Collavon Montbonnot, Archives Départementales de l’Isère, côte: 3E 526.

Sources bibliographiques

  • Groupe Patrimoine, Les Ratz, Le Theys, Le Mollard, Le Brinchet, Flâneries dans Saint-Nazaire-les-Eymes, Edition Les Eymes, 2016
  • Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle.

 

La sériciculture ou l’élevage des vers à soie

La Chine connaît l'art d'élever les vers à soie et de tisser la soie depuis 2500 ans avant J.C. En Europe, les premiers vers à soie sont élevés à partir du Ve siècle après J.C., puis l'élevage  se répand  dans l'empire byzantin, gagne l'Espagne au XIe siècle, puis l'Italie.

La sériciculture est introduite en France méridionale vers la fin du XIIe siècle et ne connaît qu'un développement limité jusqu'au XIVe siècle face aux intérêts des importateurs de soies étrangères.

Pour s'affranchir des importations ruineuses de la soie brute ou manufacturée italienne, en 1466, Louis XI crée la première manufacture de soieries à Lyon, carrefour des routes Nord-Sud.

En 1536, François 1er, un roi ami du luxe, accorde sa protection à Lyon qui devient capitale de la soie.

Henri IV, conseillé par l'économiste Barthélémy de Laffenas et l'agronome Olivier de Serres auteur de "la cueillette de la soye..", décide de faire planter des dizaines de milliers de mûriers à Paris et dans  plusieurs régions de France.

Sous Louis XIV, Colbert décrète Lyon unique bureau de douane pour les soies et soieries et fait de Lyon une grande "fabrique".

En Isère et dans le Grésivaudan, la sériciculture ne se développe véritablement qu'au XVIIIsiècle en raison de sa proximité avec Lyon. De plus, le climat de la  vallée, le terroir du cône de déjection du Manival propice à la culture du mûrier, et la main-d'œuvre pauvre et nombreuse qui ne demande qu'à améliorer ses revenus agricoles, sont des facteurs favorables au développement de la sériciculture à Saint-Nazaire vers 1770.

La soie est un fil naturel d’origine animale produite par la chenille d’un papillon, le bombyx du mûrier ou Bombyx mori.

La sériciculture consiste en l’élevage du ver à soie, de l’éclosion de la graine (œufs du papillon) à la naissance du ver, jusqu’à sa transformation en papillon. Durant leur éducation, les vers à soie se nourrissent exclusivement de feuilles de  mûrier blanc qu’ils consomment en quantités considérables pendant le mois que dure leur cycle larvaire.  

Des statistiques agricoles de 1838 comptabilisent 1200 pieds de mûriers à Saint-Nazaire. Leur plantation est parfois encouragée par des primes ou des avantages fiscaux. Leur culture et leur taille font l‘objet de visites du « commissaire instructeur » (1841). Ils sont plantés, soit en bordure des chemins, soit en prés entiers. Selon le parcellaire de Saint-Nazaire de 1698, Sieur Copin de Miribel est propriétaire le long du chemin de l’Etroit du « pré des mûriers » de plus de trois hectares.

La sériciculture a toujours été à Saint-Nazaire un revenu d’appoint. C’est une activité essentiellement féminine et temporaire de trois à quatre mois. En début de printemps, les graines sont mises à incuber souvent sur des claies placées dans le grenier afin d’atteindre la température voulue pour l’éclosion. Dès l’éclosion, les chenilles sont alimentées en feuilles de mûriers et soigneusement surveillées pour enrayer tout début de maladie. Après quatre mues successives, les vers à soie confectionnent leur cocon sur les banchages alors disposés sur les claies. Au bout de trois jours le cocon est terminé. Destiné à la filature, il va être passé à l’air chaud pour détruire la chrysalide avant qu’elle ne devienne papillon. Réservé à la production de graines, le papillon est placé sur une étoffe tendue à la verticale sur laquelle la ponte s’effectue. Les cocons et les graines sont vendus à Crolles, à la fabrique des Ayes, à Grenoble ou aux ramasseurs qui passaient dans les villages.

Dès 1853, la sériciculture du Grésivaudan est sévèrement touchée par de graves maladies, la muscardine et la pébrine, détruisant jusqu’à 75 % de la récolte. Peu à peu, grâce aux travaux de Pasteur, l’activité redémarre pour culminer à Saint-Nazaire en 1893 avec 75 « éducateurs » qui produisent 3500 kg de cocons frais. Plus de la moitié des fermes du village ont un élevage. On ne connaît toutefois que deux magnaneries, au château des Clèmes et au château du Moulin oùse situe également une des deux filatures repérées. La seconde, installée au Lavors,appartient à Alphonse Rivière qui est autorisé en 1857 à y installer une chaudière.

A partir de 1909 c’est le déclin. Le commerce de la soie connaît une forte concurrence venue d’Asie. La population rurale diminue et de nouvelles cultures comme le tabac attirent la main d’œuvre. Puis l’invention de la viscose, bien connue dans la région grenobloise, remplace la soie naturelle. Malgré les primes à la sériciculture, seulement quatre « éducateurs » sont recensés à la fin de la guerre 1914-1918. En 1926, le dernier producteur, Joseph Charquet, installé à la ferme Bourgeat au Lavors, déclare 20 grammes de graines et 66 kg de cocons produits.