Ville de Saint Nazaire les Eymes
La place de l'église - Fiche détaillée
 

VIIe SIECLE - LA LEGENDE DE SAINT AUPRE ET L'ORIGINE DU NOM DE SAINT-NAZAIRE[1]

Selon un manuscrit du fonds latin de la Bibliothèque nationale, au VIIe siècle, le prêtre Aper, futur saint Aupre, aurait rencontré l’évêque de Maurienne Leporius dans sa Villa de Milicianum « située le long de l’Isère, dans le pagus (pays) de Grenoble ». Ce lieu pourrait correspondre au village actuel de Saint-Nazaire-les-Eymes.

En effet, l’évêque Leporius avait bâti sur son domaine un sanctuaire sous le vocable de Saint Nazaire qui vraisemblablement a donné le nom au village. Il accorda à Aper un emplacement pour une cellule et un hospice.

Saint Nazaire serait né à Rome vers l’an 30 de l’ère chrétienne. Il reçoit le baptême et très jeune il parcourt l’Italie puis la Gaule du Sud, prêchant l’Evangile. Puis il s’achemine vers Milan où il est persécuté puis martyrisé en 56 sous le règne de Néron. Avec son disciple Celse, ils seront décapités.

 

LA COMMUNAUTE DE SAINT-NAZAIRE [2]

Les communautés recouvrent des réalités diverses. Au Moyen-Âge, elles correspondent à un territoire villageois qui souvent coïncide avec celui de la paroisse. Le domaine religieux joue un rôle majeur dans la société médiévale.

D’après le parcellaire de 1698, le territoire de Saint-Nazaire comprend le Village et une partie de la plaine, les moulins, Pré Barau, le Lavors et Baratière. A la veille de la Révolution, Saint Nazaire possède 124 hectares.

Bien que communauté et paroisse soient deux organisations nettement séparées, l’une administrative et judiciaire, l’autre religieuse, la paroisse interfère dans la vie communale par le cadre matériel qu’elle offre : le curé est chargé des registres et de la lecture des décrets du haut de la chaire. Les registres paroissiaux, baptêmes mariages et décès sont des précieuses sources d’informations.

D’après les comptes rendus des réunions de la communauté de Saint-Nazaire de 1744 à 1789 [3], on note qu’elles ont lieu une à deux fois par an pour renouveler le consul et les péréquateurs (répartiteurs des impôts), régler les litiges et affaires courantes ou pour fixer le « ban » des vendanges c’est-à-dire fixer la date de la récolte.

Jusqu’en 1790, les communautés de Saint-Nazaire et de Clèmes étaient distinctes et possédaient chacune leur église et leur consul (le maire). L’église de Clèmes était rattachée au prieuré de Saint-Nazaire géré par un prieur.

Le prieuré, possession de l’abbaye de Saint-Chaffre-en-Velay.

Les monastères du diocèse de Grenoble sont restés vides et délabrés suite aux invasions hongroises et sarrasines du Xe siècle.

Au début du 2e millénaire, l’évêque de Grenoble Humbert d’Albon donne le sanctuaire Saint Laurent aux moines bénédictins de Saint-Chaffre-en-Velay ; le sanctuaire devient alors prieuré.

Le prieuré de Saint-Nazaire figure dans la bulle du Pape Alexandre III en 1179 en tant que possession du monastère de Saint-Chaffre et « existant depuis longtemps déjà ».

E. Pilot de Thorey écrit : « Le prieuré de Saint-Nazaire, comme celui de Bernin qui lui était voisin, fut établi par les religieux bénédictins du prieuré de Saint-Laurent de Grenoble. » [4]

Dans le compte rendu de la visite pastorale du prieuré et de l’église paroissiale de Saint-Nazaire du 3 juin 1493, il est mentionné : « Ledit prieuré dépend du prieuré de Saint-Laurent de Grenoble. Et ledit prieur de Saint-Nazaire perçoit les dîmes dans cette même paroisse. Et il y a aussi là un sacristain avec ledit curé, et ce curé est son commensal. Les revenus de ladite cure sont de XIV florins. Quant aux fruits du prieuré ils sont (chiffre non mentionné.»

La transmission de charge des prieurs dont on connaît le nom pour la plupart depuis 1278 [5], privilégie souvent les liens familiaux, donnant lieu à des « lignées » : Basset de 1595 à 1659, puis du Bonnet-Copin de Commiers de 1659 à 1760.

Ce prieuré jouissait d’une situation favorable dominant la vallée de l’Isère et de vignobles bien exposés. Son territoire juridictionnel s’étendait en 1280 aussi sur la rive droite du Manival.

Dans la deuxième moitié du XVe siècle, ce riche bien ecclésiastique est le théâtre des dernières guerres féodales du Dauphiné entre les familles Commiers et Alleman. C’est au sujet des bénéfices du prieuré vacant que ces deux familles s’affrontent en 1442. Suite à la nomination contestée du prieur Siboud Alleman, en 1474 les gens de Raoul de Commiers pillent le prieuré et assassinent un moine.

Le prieuré subsiste jusqu’à la Révolution. Déclaré bien national en août 1790, le domaine (bâtiments, terres et vignes) est vendu le 2 mars 1791 à deux anciens fermiers du prieuré et à une dizaine de cultivateurs du village. Le domaine est essentiellement agricole avec laiterie, tinalier (local utilisé pour la production du vin), alambic…

 

LES EGLISES [6]

Au début du XIIe siècle deux églises sont mentionnées dans le Pouillé du Diocèse de Grenoble.

Mais peu de renseignements sont disponibles sur les églises antérieures au XVIe siècle.

Toutefois un bloc sculpté découvert dans une grange située sur la place de l’église a été daté par le Conservatoire du Patrimoine de l’Isère comme ne pouvant « être postérieur au XIIe siècle ». Cette pièce s’apparente à un chapiteau probablement placé en angle du fait que seules deux de ses faces sont sculptées. Par ses petites dimensions, elle évoque un reste d’objet mobilier d’autel ou de fonds baptismaux ou un élément d’architecture comme un décor de baie.
Elle est exposée dans le hall de la Mairie.

Les comptes rendus des visites pastorales des évêques de Grenoble apportent quelques renseignements sur les bâtiments. Lors de la visite du prieuré et de l’église paroissiale de Saint Nazaire le 3 juin 1493, l’évêque « … ordonna que le mur de ladite église serait rebouché de l’intérieur et renforcé avec des poutres et des lattes d’ici un an sous peine d’excommunication et de vingt francs… »[7].

L’ancienne église du XVIIe siècle est accolée au prieuré, son chœur orienté au levant.
Pendant la période révolutionnaire l’église reste lieu de culte mais également le siège des grands évènements de la commune, à commencer par l’élection de la première municipalité en 1790.

L’église est fermée le 23 février 1794 sauf pour le jour du décadi [8] où des réunions patriotiques sont autorisées. Le culte est rétabli officiellement en 1802, mais l’église trop petite est de surcroît en très mauvais état.

Le 20 février 1832, le conseil municipal se prononce pour une reconstruction complète.
L’agrandissement projeté étant impossible au bord du coteau, le chœur de la nouvelle église sera orienté Nord Est. Elle est bénie au début de l’année 1836.
Un demi-siècle après sa reconstruction de 1835, l’église a besoin d’être consolidée mais aussi de trouver un aspect religieux ; « … tout connaisseur croirait se trouver dans un temple égyptien s’il ne découvrait le chœur et les autels ». Les architectes Chartrousse et Ricoud sont choisis pour dresser des projets de restauration.
Les problèmes financiers de la commune retardent les travaux. Les chartreux sont sollicités et participent à hauteur de 10%, les habitants répondent généreusement à de multiples quêtes. Sa restauration est confiée en 1881 à l’entrepreneur Borione : création de trois ouvertures dans le chœur et trois dans la façade, réalisation de dix arcs entre les colonnes, remplacement du plafond plat par une voûte, agrandissement de la tribune … Le peintre Davaux réalise la décoration murale et les nouveaux vitraux sont offerts par les notables du village.
La flèche du clocher, endommagée par la foudre en juillet 1884, est reconstruite en tuf.
Le legs de Madame Pelosse en 1982 à la paroisse, permet des travaux importants de renforcement de charpente, d’assainissement des murs et de restauration intérieure.
Le dessin de ses peintures murales du XIXe siècle a été conservé.

Le choeur de l'église - 2002 La chaire - 2012

 

L’autel, qui provient du couvent de Montfleury, est décapé et révèle un décor d’origine avec feuilles d’argent et peinture imitant des vitraux. Après de multiples restaurations, la chaire datée de 1550 retrouve sa place près d’une colonne. L’évêque Jean Caulet la mentionne à la suite de sa visite pastorale en 1733 : « …Vers le milieu de la nef est située la chaire à prêcher en bois de noyer ainsi qu’un confessionnal en pin. ».

LE PRESBYTERE [9]

Dans les temps anciens le curé de la paroisse, nommé par le prieur, loge dans une petite maison du clos du prieuré. A partir de 1653, il s’établit dans une maison du village que la Confrérie du Saint-Esprit met à sa disposition. Lors de sa visite pastorale en 1677, Monseigneur Le Camus doit loger chez François Flory, châtelain du lieu, tant la maison où loge le curé « est mal propre et puante. ».
Les curés habitent la maison de la confrérie jusqu’à la cessation du culte en 1794. Elle est alors louée puis rapidement aliénée et vendue par la commune.
Le Concordat de 1802 met à la charge des communes l’obligation de pourvoir au logement des ministres du culte. Saint-Nazaire se contente pendant de nombreuses années de donner une indemnité de logement à son desservant Marie-Joseph Bigillion.
En 1822, la commune achète une portion de l’ancien prieuré comprenant la sacristie de la vieille église en vue d‘en faire le presbytère. Après une première tranche de travaux en 1826, le presbytère est agrandi en 1846 avec un projet non réalisé de salle de mairie au rez-de chaussée. Le curé y est logé gratuitement jusqu’à la séparation de l’Église et de l’État en 1905. À compter de cette date la commune perçoit un loyer. Le dernier occupant est le curé Siaud (1905-1925). Ses successeurs habitent respectivement la cure de Bernin ou de Saint-Ismier selon le rattachement de la paroisse de Saint-Nazaire alors que le presbytère sert de salle paroissiale jusqu’à sa vente à des particuliers en 1977.

La première maison commune et l’école de filles 

Crédits photographiques : Groupe Patrimoine

 

[2] Groupe Patrimoine de Saint-Nazaire-les-Eymes, La vie locale de l’Ancien Régime à nos jours, Tome I, 2001

[3] Archives communales de Saint-Nazaire

[4] PILOT de THOREY, E., Les prieurés de l’ancien diocèse de Grenoble compris dans les limites du Dauphiné, 1884, p. 139-140, p. 314

[5] PILOT de THOREY, E., Les prieurés de l’ancien diocèse de Grenoble compris dans les limites du Dauphiné, 1884, p. 315-320

[6] Groupe Patrimoine de Saint-Nazaire-les-Eymes, Le Lavors & la place de l’église, Flâneries dans Saint-Nazaire Les Eymes, 2012

[7] Archives départementales de l’Isère

[8] Dixième jour de la semaine du calendrier révolutionnaire

[9] Groupe Patrimoine de Saint-Nazaire-les-Eymes, Le Lavors & la place de l’église, Flâneries dans Saint-Nazaire Les Eymes, 2012